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VERS LA CONQUÊTE

« Un chef nous est né ! »

Pendant qu’il s’engage sur le pont interprovincial pour regagner Ottawa, le converti voit se dresser devant lui, symbole de son âpre avenir, l’image de la capitale avec ses hautes falaises. Là, à droite, sur la colline parlementaire, lui apparaissent les palais des Chambres et des ministères fédéraux, puis la tour du parlement où flotte, dans le grand air, le drapeau du conquérant. À gauche, ce sont les murs de l’hôtel de la monnaie, écrasé comme une usine, puis le pavillon à peine plus élégant des Archives ; plus au loin, au centre, c’est le quadrilatère en briques rouges de l’Imprimerie Nationale, les murailles donjonnées du ministère des douanes. Autant de lieux, autant d’institutions, Lantagnac se le répète en marchant, où ceux de sa race obtiennent péniblement leur part d’influence et de travail. N’y a-t-il point jusqu’au site de la haute-ville anglaise qui ne paraisse afficher, du haut de son piédestal orgueilleux, la domination du vainqueur sur le vaincu dont les quartiers plus modestes s’échelonnent vers l’emplacement de la basse-ville ? Dans ce panorama de défaite, une vision cependant attire soudainement les yeux de Lantagnac et réconforte son courage. Devant lui, au plus haut de la colline Nepean, un homme de bronze, de stature héroïque, se dresse sur son socle, face à la ville, le pied hardiment de l’avant, son astrolabe au bout de la main. Ce chevalier de la gloire, aux bottes évasées, au large feutre ancien, c’est Samuel de Champlain, un héros de race française,