— Mais comment as-tu fait, papa, toi si dédaigneux, si délicat, pour t’asseoir et manger à la table des Lamontagne ? On les dit si malpropres ces « habitants » du Québec !
À peine avait-il répondu à William que rien n’est plus blanc que la nappe des « habitants », qu’aussitôt Nellie revenait à l’assaut avec une question encore plus blessante :
— Mais alors, papa, tu as pu causer avec eux ? Tu n’avais donc pas oublié leur patois ?
Pour le coup Lantagnac ne put retenir un franc éclat de rire :
— Leur patois ? dit-il ; mes pauvres enfants ! si vous saviez comme là-bas, on se moque du Parisian french qu’on vous enseigne parfois dans nos High Schools et nos Collegiates. On lit les journaux, on lit même des revues dans les Chenaux de Saint-Michel. Or savez-vous ce que ces journaux et ces revues servent de temps à autre à leurs lecteurs comme pages comiques ? Tout bellement des échantillons du Parisian french ontarien. Et si vous voyiez, mes pauvres petits, quelle folle gaîté, quel succès de fou rire, ces morceaux obtiennent dans le Québec !
Décidément les enfants n’y comprenaient plus rien.
Est-il vrai, avait encore demandé William, que « l’habitant » cultive toujours sa terre comme au temps des Français, selon les mêmes procédés, les mêmes vieilles routines, les mêmes machines vieillottes ?