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L’APPEL DE LA RACE

petite intuitive, que je n’ai qu’à lire en moi-même pour tout apprendre.

— Ne t’enseigne-t-elle que du français, Mère Sainte-Anastasie ?

— Elle m’enseigne aussi l’histoire du Canada français. C’est moi qui l’en ai priée. Savez-vous que j’achève Ferland, que j’ai lu Faillon, que je lirai aussi Garneau ? Oh ! les beaux volumes, mon père ! Vous savez si j’aime les histoires de chevalerie. Eh ! bien, moi, je retrouve là mes chansons de geste les plus belles. Les guerres iroquoises, l’exploit de Dollard, de Madeleine de Verchères, la découverte du Mississipi, celle de l’Ouest, les randonnées de nos chevaliers à la baie d’Hudson, les actes de nos martyrs, c’est de l’épopée toute pure, n’est-il pas vrai ? De la grande épopée chevaleresque, avec de la matière chrétienne et en quel cadre ! Il y a mieux ! ces lectures me ramènent aussi, je ne sais quel souvenir, quelle résurrection d’une vieille âme héréditaire. Vous souvenez-vous de ce soir où, ici-même, vous me disiez : « Ma Virginia, il n’y a pas seulement quarante générations de Lantagnac qui te réclament ; il y a aussi la longue lignée des aïeules de France, puis celle des aïeules de la Nouvelle-France, toutes les femmes héroïques qui ont fait notre famille ». Non, mon père, cette voix des aïeux et des aïeules, cet appel de la race n’est pas une chimère. Je l’entends nettement en moi, à mesure que j’apprends leur histoire…