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LE CHOC SAUVEUR

pendant que sa pensée errait parfois bien loin de son étude. C’était ce même soir, à dix heures précises, que 3e sénateur attendait sa réponse. Sa décision maintenant prise, sa lettre d’acceptation écrite et envoyée, Lantagnac se sentait singulièrement soulagé.

— Le Père Fabien et le sénateur seront contents de moi, se disait-il.

Pourtant les suites de son acte ne pouvaient laisser de l’inquiéter quelque peu. Malgré lui, ses yeux se reportaient souvent vers celle qui, là, en face de lui, jouait aux échecs, dans un silence où se révélait fortement un grand trouble intérieur. Maud lui offrait sous la lampe du centre, les lignes nettes de son profil ; elle lui apparaissait, sous sa chevelure blonde, dans sa beauté sobre et toujours jeune. Si la ligne trop droite du front, les lèvres trop tirées et trop minces mettaient à cette figure un dur accent d’opiniâtreté, en revanche les cils trop baissés et trop mobiles trahissaient promptement la moindre tristesse. Lantagnac considéra Maud dans son émoi trop visible. Homme de cœur, il comprit à ce moment, comme il se mettrait à l’aimer et d’un amour plus fort, si elle devenait vraiment malheureuse. Mais, ce soir-là, une énigme retenait fortement son esprit et c’était l’explosion violente et si étrange de Duffin pendant le souper. Quelle matière inflammable avait donc échauffé l’âme de l’Irlandais ? Comment expliquer cette saillie impétueuse de la part d’un homme qui d’habitude se possédait si