Page:Groulx - Louis Riel et les événements de la Rivière-Rouge en 1869-1870, 1944.djvu/18

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expressément : « Les renseignements qui m’arrivèrent de tout côté me démontrèrent que l’influence de Riel sur les Métis français était énorme, et je crois que leur attitude et l’appui qu’ils ont donné au gouvernement sont dus en grande partie aux efforts de Riel, et que s’il eût agi autrement, ils fussent restés neutres ou auraient été hostiles au gouvernement ». Que vont faire maintenant les ennemis de Riel ? Vont-ils désarmer ? J’ai entendu dire qu’il nous était arrivé, à nous aussi, gens du Québec, de sauver le Canada, une fois ou deux et que, depuis lors, l’on n’avait cessé de nous étouffer sous les témoignages de gratitude. Que vont faire les politiques d’Ottawa ? Vont-ils s’acharner à traiter comme un rebelle et comme un proscrit l’homme que le gouverneur de sa province vient d’appeler à la défense de la frontière et qui a sauvé le Nord-Ouest ? Vont-ils enfin exiger et obtenir l’amnistie ? Nul n’ignore jusqu’à quel point ce cas juridique devait embarrasser en 1875 lord Dufferin : « J’avoue que j’aurais beaucoup de peine à me convaincre », confiait-il au gouvernement impérial, « qu’après que le gouverneur d’une province a mis des armes aux mains d’un sujet et l’a invité à exposer sa vie… pour défendre la couronne de Sa Majesté… ainsi que pour protéger son territoire — avec la connaissance pleine et entière à l’époque que le sujet en question pouvait être cité en justice pour délits antérieurs — j’aurais beaucoup de peine à me convaincre », écrivait Dufferin, « que l’exécutif se trouve encore en état de poursuivre comme félon la personne avec laquelle il a ainsi négocié ». Mais encore une fois que vont décider les hommes d’Ottawa ? Leur attitude ne gagne encore rien en élégance. Ils ne sauront qu’exprimer leur mauvaise humeur à Archibald et inviter les chefs Métis à prendre le chemin de l’exil. Et ils accepteront que le gouvernement impérial, en commuant contre ces hommes, la sentence de mort pour l’emprisonnement, les déclare déchus pour la vie de leurs droits politiques.

Qui donc, quelles influences occultes, redoutables, lient les mains de ces gouvernants ? L’unanimité absolue s’est refaite parmi les Métis français du Manitoba. Même ceux qui n’avaient pas été du « mouvement », Archibald le cons-