Page:Groulx - Louis Riel et les événements de la Rivière-Rouge en 1869-1870, 1944.djvu/24

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« Victoire considérable et dont l’effet dépassait de beaucoup les frontières de la petite province. Pour en saisir tout le sens, il faut remonter, pour un moment, à l’année 1864, à l’heure où s’élabore la Confédération de l’Amérique du Nord britannique. Deux idées ou plutôt deux esprits se heurtent à la Conférence de Québec : l’esprit unitariste et l’esprit fédéraliste ; le premier, ambitieux de la fusion des races et de l’effacement des provinces sous un gouvernement central et unique ; le second, soucieux du maintien des diversités ethniques et religieuses, de la survivance des particularismes provinciaux dans le cadre fédéral… Grâce à Riel, le dualisme canadien ne s’arrêterait pas, comme à une frontière interdite, aux rives du lac Supérieur. On le verrait s’étendre à ces vastes territoires, propriété des deux races canadiennes, acquise par l’argent de tous. Et, par là, le jeune héros manitobain eût pu se flatter d’avoir affermi la pensée politique de 1867… »

1869-1870, heure de crise pour la Confédération naissante. Nous l’avons dit tout à l’heure, des mouvements centrifuges menacent de mettre en pièces l’édifice mal affermi. Une question comme celles des Écoles du Nouveau-Brunswick fait déjà voir les « Pères » quelque peu ébranlés, tentés de renier l’esprit de 1867. Le jeune Louis Riel, le petit peuple de la Rivière-Rouge vinrent nous rappeler cette urgente vérité qu’un pays aussi divers que le Canada ne saurait se constituer selon la formule raciste. La « liste des droits » ne revendiquait pas seulement le droit des faibles, la justice pour les minorités, la loi du fair-play ; elle constituait une énergique manifestation pour le maintien de l’esprit fédéraliste et de la dualité canadienne, dualité de croyances et de cultures. Elle réclamait la consécration de principes vitaux qui, respectés, compris par nos gouvernants, eussent apporté la paix au Canada et nous dispenseraient aujourd’hui, après quatre-vingts ans de vie en commun, de chercher une formule d’union nationale. En ce temps-là, sans doute, comme aujourd’hui, des hommes portaient dans leur esprit, le rêve splendide, ambitieux, d’un Canada rayonnant de force et de jeunesse, plein de foi en l’avenir, terre fraternelle, terre de justice et de liberté. Pays aux horizons immenses, assez vastes et assez pleins de richesses pour assurer à chacun la satisfaction de ses besoins et de ses libres mouvements, en pos-