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V

MON OPTION POUR LE SACERDOCE[NdÉ 1]

Je suis né de parents chrétiens, gens de la campagne et de la terre, pour qui l’appel au sacerdoce restait la suprême ambition familiale. Élève des Frères, enfant de chœur, tout jeune j’ai joué, comme tant d’autres, l’Éliacin. J’ai célébré, en rites divers, je ne sais combien de messes enfantines : messes basses ou chantées où entraient, je le crains, autant de jeu que de piété. J’ai fait ma première communion à huit ans. Le grand acte m’a profondément ému, sans m’apporter l’appel suprême et coutumier. C’est à l’âge de dix ou onze ans que se présenta à moi, de façon expresse, l’idée de la vocation, et par un motif fort peu surnaturel. Je désirais grandement poursuivre mes études, être de ceux qui s’en allaient vers ce que l’on appelait alors, à notre école, le « grand collège ». Chaque automne, je voyais partir pour la fascinante fortune, l’un ou l’autre de mes camarades. L’été suivant, de retour pour les vacances, je les voyais parader sur le perron de l’église, en leur costume de collégiens. Quels grands personnages ils me paraissaient ! Et comme ils me faisaient envie ! Par malheur, mes parents, chargés de famille, habitants pauvres, entretenaient bien d’autres soucis que les miens. Or, un jour, à l’école, la leçon de catéchisme portait sur le vœu ; le Frère nous en avait exprimé la nature, et surtout la puissance d’impétration. La classe finie, ma résolution bien en tête, je me dirige vers l’église ; j’avance jusqu’à la balustrade ; et là, face au tabernacle, je fais gravement le vœu de me faire prêtre, si le Bon Dieu m’accorde

  1. Extrait de Comment ils sont devenus prêtres (Montréal, 1954), 89-100.