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moindre instant avec leur oreiller. Je leur demandais d’observer le silence partout où on l’exigeait, à l’observer surtout quand le surveillant avait le dos tourné. Je leur demandais encore de se bien tenir dans les rangs, solidement plantés sur leurs jambes, ne se dandinant point avec nonchalance. À la salle d’étude, je les priais de faire d’abord leurs devoirs, d’apprendre leurs leçons, avant de se jeter dans leurs livres de lecture, de ne pas faire l’inverse. À la chapelle, je leur conseillais de ne pas introduire de fantaisies dans leurs actes de piété, surtout dans leurs communions, et par exemple, de ne pas communier les seuls jours où ça le leur disait, mais de se souvenir plutôt que toute communion faite en état de grâce ne peut que faire grand bien à l’âme et grand plaisir à Notre-Seigneur. Et ainsi de suite. Et je dis, après maintes expériences, qu’il est facile de gagner un collégien, enfant, adolescent ou jeune homme, à cet ascétisme. Ils se laissent prendre à l’espoir de se débarrasser de l’instinct, de leurs caprices, de dompter leur tempérament, de conquérir ainsi leur liberté, de se donner une personnalité bien à eux, de trancher sur la grisaille de leur entourage. Et quand, à ces motifs d’ordre naturel, l’on ajoute les motifs plus élevés de la vie surnaturelle : faire plaisir au bon Dieu, d’abord faire sa volonté divine, développer en soi les germes de son baptême, laisser s’accomplir les sublimes métamorphoses de la grâce ; pour Dieu toujours, parvenir à la virilité spirituelle, vivre par là une vie d’apôtre, offrir ses petits sacrifices pour des camarades qui en ont besoin, pour relever le milieu moral autour de soi, gagner des âmes à Jésus-Christ, se mêler intimement à la grande vie de l’Église universelle, — on peut et on doit aller jusque-là, — je soutiens qu’une âme d’enfant bien faite mord avec facilité, avec joie, à ces vastes perspectives, pour peu qu’on sache monnayer ces grandes vérités selon la réceptivité de chacun. On verra même ces enfants ou adolescents s’enflammer d’ardeur sacrée. Et j’écris ce mot, au souvenir de ce que j’ai pu constater tant de fois. À ces moyens d’ordre naturel et surnaturel, j’en ajoutais un autre qui m’a toujours paru d’une extraordinaire efficacité : la lecture de livres de caractère moral ou spirituel : vies de saints, vies des grands catholiques, lettres, journaux intimes de ces personnages. Pour combattre l’influence d’un milieu trop souvent médiocre, rien ne vaut, à mon sens, comme de jeter le collégien dans la compagnie des grandes âmes. Ensemble, quelques