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mes mémoires

Dans une autre lettre, Papineau ajoute :

Avec le tempérament… d’Azélie, il [Napoléon Bourassa] court plus de risques, ou au moins tout autant, d’avoir sa part de chagrins à porter ; peut-être leur affection mutuelle les rendra-t-elle permanemment heureux. Saura-t-elle se contraindre pour lui être agréable, mieux qu’elle ne sait se contraindre pour nous ? Je le souhaite (Corr. XII : 148, 151).

Propos que confirme le « Mémoire » d’Adine Bourassa. Sa mère, nous dit Adine, résiste mal à l’envie morbide d’être désagréable. Plus que toute chose, l’incrédulité de son père agace Azélie. Impulsive, il lui arrive d’avoir des poussées de tempérament comme celles-ci : « Je sens que je dirai des choses qui feront de la peine à mon père… » Et ces choses, elle ne se retient pas de les dire. Sur son lit de mort et jusqu’en son agonie, on l’entendra objurguer si fortement le vieillard de revenir à Dieu, que Papineau, excédé, quittera le chevet de sa fille mourante pour n’y plus reparaître. Pessimiste, tracassière, dit encore le « Mémoire », Azélie ne peut s’empêcher, non plus, de blesser parfois son doux et candide mari. Elle lui débite, par exemple, toutes sortes de propos désobligeants sur le sexe masculin. C’est qu’elle a sa théorie sur le mariage.

Notre mère, écrit encore Adine, n’aimait pas le mariage. Elle croyait qu’il eût dû suffire à des époux chrétiens d’être mari et femme pour donner vie de leur vie en une seule fois, et d’être frère et sœur entre chaque don de vie…

Et Adine de nous confier au sujet de son père :

Il est difficile de dire en quoi il a le plus souffert, d’un rêve d’art ou d’une conception brisée, ou d’une grande inquiétude d’âme ou de cœur, ou d’intimes peines et d’époux et de père.

Et, se demandera-t-on, d’où vient à Mme Bourassa cette manie des propos déplaisants ? Et l’origine de sa conception des relations conjugales ? Sa fille nous répond :

C’était la théorie de son tempérament, de sa conscience timorée…

On notera ce dernier mot : « conscience timorée ». Au sujet de la maladie de sa mère, reléguée à Bytown en 1856, Adine consigne dans son journal : « Sa piété se manifestait par les inquié-