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quatrième volume 1920-1928

ce sont des batailles que nous perdons. À parler franc, la guerre économique s’annonce, chez nous, plus serrée, plus brutale que jamais. « On peut dire, écrivait un jour le géographe Reclus, que le développement de l’humanité est inscrit d’avance, en caractères grandioses, sur les plateaux, les vallées et les rivages de nos continents. » Ces caractères grandioses n’échappent point d’ordinaire aux grands aventuriers du capitalisme. Notre province a trop de richesses et de trop belles ; vers elle les grandes convoitises se sont tournées. Le problème n’est plus de savoir si ces ressources seront exploitées, mais si elles le seront par nous et pour nous, ou par des étrangers et contre nous. D’ailleurs l’alternative se pose à peine : la bataille est déjà engagée ; des positions sont déjà perdues ; nous avons à nous défendre contre la puissance abominable de l’or qu’aucun principe ne domine, qu’aucun pouvoir ne veut maintenir dans ses limites. Le seul choix qui nous reste est celui-ci : ou redevenir les maîtres chez nous ; ou nous résigner à jamais aux destinées d’un peuple de serfs.

On l’a vu toutefois, les « intégristes » n’étaient pas les seuls adversaires à écarter. Nous avons besoin, continuai-je, de « libérer nos esprits » de quelques autres « idéologies fausses et dangereuses » :

C’est encore chez nous que l’on va disant et répétant que les affaires n’ont rien à voir avec le patriotisme, cependant que, sur tous les terrains de la lutte économique, sévit contre nous le patriotisme des affaires. De même, qui dira jusqu’à quel point les erreurs de l’économie libérale, la théorie funeste du laisser-faire, du laisser-passer, ne dominent plus l’esprit de nos dirigeants ? L’on pense et l’on continue de se comporter comme si quelque parcelle des activités humaines pouvait échapper aux lois souveraines de l’ordre moral et comme si, dans l’ordre économique, l’État fût délié de ses obligations de surveillant et de définiteur du droit.

Et l’on écrivait ces choses en 1921 !

L’enquête voulait être vaste, complète. Elle prétendait bien s’attaquer à tous les aspects de notre vie économique. Ainsi en témoigne la liste des sujets abordés :