Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
quatrième volume 1920-1928

doctrine et à cette attitude. Le rôle de dupes nous fut trop souvent imposé, pour que nous nous payions ce goût morbide de nous l’imposer à nous-mêmes (XIX : 129).

C’est en cette atmosphère d’inquiétude, de désenchantement, qu’il faut retracer, en sa genèse, l’enquête sur le problème politique. Jamais plus qu’à cette époque, la Confédération canadienne n’avait paru une formation politique dangereuse, voire une duperie, en même temps qu’un édifice branlant. L’œuvre de 1867 avait tourné contre nous, en partie par notre faute, par notre manque de sens politique et national, mais aussi par le poids d’influences insurmontables, influences du nombre, du milieu, de poussées extérieures, déterminisme de la pesanteur qui ne peut empêcher le plateau d’une balance de pencher d’un côté plutôt que de l’autre. De nouveau, les esprits clairvoyants au Canada français se sentaient installés dans le provisoire. Entre l’est et l’ouest, entre le vieux et le jeune Canada, les dissentiments s’accroissaient. À côté de la plante du vieux sol avait poussé le champignon vénéneux. Au cours de la récente guerre qui aurait pu et qui aurait dû rapprocher les races, les éruptions de fanatisme, fanatisme de race, fanatisme religieux, autour de l’école franco-ontarienne et de l’école franco-manitobaine, avaient troublé, effrayé les esprits les plus sereins. Il suffirait d’évoquer l’énergique révolte de Lomer Gouin, son refus de se soumettre à l’arrêté illégal du gouvernement fédéral, arrêté du 22 décembre 1917, qui prétend interdire aux provinces, aux municipalités, aux commissions scolaires, tout emprunt sans l’autorisation d’Ottawa. On pouvait aussi se rappeler la motion Francœur-Laferté discutée au parlement de Québec, à la mi-janvier 1918, et formulée comme suit :