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septième volume 1940-1950
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— Voici, osai-je lui répondre avec un demi-sourire, j’ai constaté que deux choses m’enlèvent mes meilleurs amis : la politique et l’épiscopat.

Je faisais allusion — et il le comprit bien — à la fatale distance qui s’établit entre le compagnon, ami d’hier, et l’autre, promu évêque… L’élu de Gravelbourg sourit de ma malice et me dit en me prenant les mains : « Jamais je ne vous lâcherai ! » Entre l’évêque de là-bas et l’ami d’hier la correspondance continue aussi confiante, aussi amicale qu’à ses débuts. Puis voici qu’à peine un an après son départ pour l’Ouest, Mgr Rodrigue Villeneuve est rappelé dans l’Est. Le 28 décembre 1931, il devient archevêque de Québec. J’assiste, en grande joie, aux côtés de mon ami Lebon, à son intronisation dans la basilique québécoise. Cette nouvelle dignité, je puis l’assurer, il ne l’avait pas non plus désirée. Dix-huit jours avant son intronisation, n’en sachant encore rien, il m’écrit de Gravelbourg, où une fièvre typhoïde l’a immobilisé pendant sept semaines : « La question du messie de Québec n’en est pas une dont je sois désintéressé. Depuis juin, j’ai essayé de loin de dire et faire ce qui m’a semblé bon. Mais, entre nous, ne souhaitons Québec à personne de nos amis. Celui qui y montera devra bien songer à quelle roche tarpéienne il s’installera, à côté du Capitole. Y en a-t-il qui ont envie de ces choses-là ?… Je compte pouvoir aller vous voir en janvier… Nous causerons du diocèse de Gravelbourg où, malgré la pauvreté, je m’obstine à cultiver et à cueillir de l’espoir. »

L’Archevêque de Québec ne change point de manière ni de mœurs. Il garde toute sa simplicité. Au mois d’août 1932, il m’annonce sa visite à Saint-Donat, à ma maison de campagne de ce temps-là. Et il le fait à son ancienne manière : « En tout cas je vous demeure le même “petit Père” que toujours. Donc, à bas les cérémonies. L’amitié suffira. » Il y vient accompagné de Mgr Courchesne, de Mgr Cyrille Gagnon, recteur de l’Université Laval, et de mon ami Wilfrid Lebon. C’est le soir, ou le lendemain soir de son arrivée, qu’à la demande de l’Archevêque, je lis à mes hôtes le manuscrit d’Au cap Blomidon, en voie de paraître. Petit roman qui ne pouvait que vivement lui rappeler notre voyage de 1915 en Acadie. Le lendemain, dans l’avant-midi,