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Notre Maître, Le Passé

cursion que vous allez commencer, qui puisse imprimer quelques taches à cette divine religion et à cette aimable patrie dont vous êtes chargés de faire l’ornement et la gloire aux yeux des nations étrangères ? » Comme première réponse, les 135 chevaliers ont levé la main droite vers l’étendard, et d’un cri unanime, vibrant, qui fait battre aux tempes les grandes émotions, ils ont dit : « Nous le jurons ! » Mais quelques instants plus tard, hors de l’église, Taillefer répétait ainsi à la foule le mâle serment : « Ce drapeau… nous vous promettons de le rapporter sans tache, et s’il ne revoit pas le Canada, c’est qu’il aura servi de linceul au dernier d’entre nous ». C’est simple et c’est fier. « En avant, le Zouave ! » disait un autre ; « nous n’avons plus rien à appréhender si ce n’est de ne pas trouver la chance d’offrir notre vie à Pie IX ». Il disait juste, le « New York Freeman’s Journal » qui écrivait à la suite de tous ces mots et de tous ces gestes : « Il y a quelque chose de vraiment chevaleresque dans toute cette affaire, telle que conduite par nos frères du Canada. »

Ils parurent ainsi jusqu’au bout. Pendant trois ans, contre les bandes piémontaises, ils se font les garde-corps du Saint-Père. Puis, quand vient l’assaut de Rome, les 19 et 20 septembre 1870, à la porte Pie, à celles de Saint-Sébastien, de Saint-Pancrace, de Salara, au Pincio, les zouaves canadiens se montrent aussi grands que leur cause. Leur franc courage étonne les chefs. Et quand, tout à coup, l’ordre arrive de hisser le drapeau blanc sur la brèche, ils en éprouvent au premier moment un sursaut de superbe colère ; ils se sentent indignés qu’on leur vole ainsi leur martyre. Puis, sur un signe du Pape, ils obéissent, mais, comme les autres, ils brisent leurs carabines avant de les rendre.