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François de laval

ce dut être un superbe entraîneur que cet évêque revêtu du cilice, qui se confesse quotidiennement, qui, six jours avant son trépas, s’offre en sacrifice pour son séminaire ; qui porte assez loin l’esprit de pauvreté pour faire lui-même son feu et son lit, laver « son petit meuble de table », balayer sa chambre, et qui meurt en pleurant de n’avoir plus un sou pour les pauvres. Aussi faut-il voir, autour de lui, la noble émulation, la féconde efflorescence de vie religieuse. Fut-il jamais plus grande heure, dans notre histoire, que celle où vécurent et travaillèrent, presque en même temps, des hommes comme Chomedey de Maisonneuve, Lambert Closse, Dollard des Ormeaux ; des religieux comme les Pères Allouez, d’Ablon, Marquette, « l’illustre triumvirat » de Bancroft ; des femmes comme Marie de l’Incarnation, Marguerite Bourgeoys, Jeanne Mance, Madame de la Peltrie, Madame d’Ailleboust, Catherine de Saint-Augustin ? Pendant que les fils de Loyola, coureurs de fleuves et d’âmes, renouvelaient les courses de saint Paul autour des Méditerranées américaines ; pendant que les saintes femmes de nos couvents et de nos cloîtres, élevées jusqu’à la contemplation mystique, brûlaient leur vie comme de beaux cierges et s’entretenaient de notre avenir avec Dieu ; pendant ce même temps, stimulées, gagnées par les hauts exemples, les grandes vertus poussaient dans la colonie comme des fleurs merveilleuses ; les races antiques du Nouveau-Monde offraient en prémices les jeunes vierges iroquoises de la Prairie de la Magdeleine ; Jeanne le Ber marquait les altitudes où atteignait déjà la petite race française du Canada. Mais plus grand que tous, apparaissait avec son profil de chef, l’homme qui avait reçu la plénitude de l’Esprit et qui s’en était souvenu avec loyauté.