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seront par la hauteur des tâches prochaines. Oui, les politiciens s’en vont ; il ne restera plus que les politiques.

Mais ce n’est pas tout, penseront quelques-uns, de secouer cette vieille servitude et de fermer nos oreilles aux « verbaux mécaniques. » Il faut recueillir, avec de plus fermes lumières, la direction que les héritiers dégénérés de nos vieux parlementaires avaient cessé de donner. Il me semble qu’à l’heure où je parle, notre race attend une grande parole, une parole de clarté et de force qui nous entraîne unanimement vers un grand avenir. Des directions très précises sont demandées aux travailleurs de l’intelligence. Ils sont priés de nous donner avant tout cet esprit qu’Auguste Comte appelait « l’esprit d’ensemble », et qui n’est que la subordination des problèmes dans une vue totale. Les rivalités politiques nous ont tant divisés, tant émiettés ; l’atavisme historique nous avait si peu préparés au sens des responsabilités sociales et une longue absence de direction unanime et positive a jeté nos énergies en tant de directions anarchiques. Et pourtant, plus que jamais, nous avons besoin de coordonner nos ressources, d’utiliser les plus petites de nos forces, d’élever toutes nos énergies matérielles et morales à leur ultime rendement, n’ayant que ce moyen de faire tête à l’écrasante supériorité de nos rivaux. Veut-on que je précise davantage ? J’ajouterai : Ce n’est pas tout de nous ébranler aujourd’hui pour la colonisation, demain pour l’enseignement public, après demain ou hier pour les caisses populaires, les problèmes ouvriers, l’organisation économique, promenant notre effort tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, partageant tous les enthousiasmes, toutes les fièvres d’occasion. Ce qu’il faut et ce qui presse, c’est de rendre persévérant et un, un effort éparpillé et intermittent ; c’est de bien établir, dans notre œuvre de construction prochaine, le rapport des pièces au tout. C’est de proportionner et d’équilibrer toutes choses, de maintenir la hiérarchie des facteurs, pour que s’élève enfin l’édifice de la patrie dans une force solide et dans un ordre de beauté.

Or, tout ce travail d’orientation et d’unification exige une pensée qui y préside et y jette une vigoureuse ordonnance. Et la direction doit commencer sans retard parce qu’il faut que nous soyons sauvés et que nous n’avons plus