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PASSAGE DE L’HOMME

Pendant trois mois, le Chaoul se débattit. Et plus il se débattait, plus il savait qu’il serait vaincu.

La nuit de Noël, il s’en vint chez moi. Le Fossoyeur était là aussi. Le Chaoul nous avait fait promettre, après avoir fermé la porte, de ne pas le laisser sortir, quoi qu’il nous dît, même s’il devait hurler et battre. Il s’était mis près de la cheminée. Il était sage. Et il parlait de choses et d’autres, sans rien de tendu, tout comme s’il avait oublié. On entendit sonner la cloche, puis des gens galochèrent dans la rue, quelques bonnes gens : presque personne n’allait plus à la messe. De la maison, on entendait les chants. Le Chaoul inclinait la tête, et au moment de l’Adeste il fredonna. Puis les cloches sonnèrent de nouveau, les gens sortirent. Et de nouveau il y eut du silence. Une heure et demie. Le Chaoul regarda l’horloge, et, d’un air tranquille, il nous dit : « Pour sûr, j’ai fait un mauvais rêve… Faut-il tout de même que j’aie vieilli pour avoir cru… » Il s’arrêta. Quelqu’un courait dans la grand’rue et des coups ébranlèrent la porte : « Le Fossoyeur ! le Fossoyeur ! Il y a le jeune des Deux Chemins qui vient de mourir ! Il faut tout de suite, tout de suite, le mettre en terre ! » Les gens, maintenant, n’attendaient même plus