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PASSAGE DE L’HOMME

« Monsieur le Curé, je vais vous dire comment la chose m’est arrivée. C’est une chose toute simple, vous allez voir, et qui est venue comme ça, sans que j’y puisse rien. Ce n’est pas une idée de ma tête à moi.

« Je suis de l’autre bord de l’eau. Et par là-bas il y a aussi de belles églises. Elles ne sont pas construites tout comme les vôtres, mais elles sont belles. Et elles sont toutes tournées au soleil levant. Et ce qu’on chante dans ces églises-là, ce n’est peut-être pas tout à fait les mêmes chants, mais c’est beau aussi. J’avais fait ma première communion. J’avais onze ans, et c’était je ne sais plus quel dimanche après la Pentecôte, un de ces dimanches où, par chez nous, il y a tant à faire dehors qu’on ne pense plus guère au Bon Dieu. J’étais à la messe. On avait distribué le pain bénit. J’avais mis mes deux petits morceaux sur la tablette, par devant moi, près de mon livre de messe, et j’allais les manger lorsqu’il me vint à l’idée d’attendre, d’attendre le moment où Monsieur le Curé, à l’autel, communierait. Si j’ai eu une idée, c’est cette idée-là, et c’est la seule. Et c’est une idée bien innocente. Le reste, comme je vous l’ai dit, est venu sur moi. J’avais l’habitude d’assister vraiment à la messe, et de la vivre, si l’on peut dire. J’étais très pieux. Je fis donc