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PASSAGE DE L’HOMME

dont la toile était toute verdie. Quelquefois il levait la tête et on voyait sans qu’il le dise qu’il voulait nous lire quelque chose. Alors le Père fermait son livre, souriait un peu, comme on sourit aux petites manies de quelqu’un qu’on aime, et écoutait. Et c’était beau de voir son sourire s’éteindre peu à peu, de voir le Père enfin devenu tout sérieux et comme entré dans la lecture de l’Homme. Ah ! Monsieur, en ces temps-là, il y avait des gens qui savaient écouter, des gens qui accueillaient les choses, des gens qui croyaient ne presque rien savoir !

Un soir, l’Homme nous parla des Iles. Notre unique voisin était là. On l’appelait Celui des Hauts, parce qu’il vivait sur la colline. C’était un homme bizarre, un original comme on disait, qui habitait tout seul là-haut, et qui inventait des chansons. Il en faisait pour les mariages, pour les baptêmes, il en faisait même pour la mort, et il en faisait pour sa joie. Le malheur, c’est qu’il buvait bien, et aussi qu’il courait les filles. Et ça faisait qu’avec lui on n’était pas toujours tranquille, car s’il venait, le plus souvent, c’est qu’il avait bu, et alors il ne savait plus trop bien ce qu’il disait, et le Père et la Mère étaient embarrassés.

Ce soir-là, Celui des Hauts n’était pas gris,