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PASSAGE DE L’HOMME

blablement. Cette fois c’était encore plus tendre, pourtant personne ne songeait à pleurer.

Il fallait penser à l’enterrement. La Mère eût voulu qu’il se fît à l’église et elle envoya chercher Monsieur le Curé. Mais il refusa de venir, disant que la Maison du Diable — c’est ainsi qu’il nommait à présent notre maison — se passerait fort bien de Dieu, et qu’au surplus il ne comprenait pas que le Père fût mort : « Est-ce que les « Choses des Iles » n’empêchaient plus de mourir ? »

Le Père fut donc conduit au cimetière sans curé. Et nous n’étions que quelques-uns derrière son cercueil. Il fallait traverser le village. Les gens regardaient derrière leurs vitres. Je savais combien le Père était aimé et combien il leur en coûtait de ne pas marcher derrière lui jusqu’au cimetière. Mais il y avait comme une terreur sur le village. Le Curé avait rassemblé quelques jeunes hommes, intimidé quelques vieillards, et leur projet était de nous faire tellement malheureux, que l’Homme, nous voyant souffrir par sa faute, se sentît obligé de partir. Et s’ils échouaient, ils se chargeraient eux-mêmes de chasser l’Homme.