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LE SURVENANT

On fut presque étonné, un soir, d’apprendre de la bouche du commerçant de Sainte-Anne que plus bas la glace se trouait par endroits. L’hiver tirait donc au reste ?

Ce fut vers le même temps que l’ouvrage manqua. Quant à entreprendre des meubles nouveaux, il ne restait pas de bois pour la peine. Le Survenant se mit à calculer sur un bout de papier :

— Avec vingt-quatre piastres et cinquante-sept cents, je pourrais aller à Montréal faire des marchés et acheter les outils qu’il me faut.

Didace fit le saut, mais loin de dire oui, il passa la porte sans prononcer une parole, ni dans un sens, ni dans l’autre. Les jours suivants le Survenant ne tint pas en place. Oisif, rembruni, silencieux, il tournait en rond dans la maison ou ravaudait aux alentours, furetant dans tous les coins, à la recherche d’on ne savait trop quoi. Un jour il découvrit dans le cabanon une vieille paire de raquettes qu’il voulut remettre en bon état. Il montra, à retresser le nerf, une adresse rare, et inconnue des gens du Chenal.

— De qui c’est que t’as appris ça, Survenant ? lui demanda Amable.

— De personne. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père l’ont appris pour moi.

Sans se lasser, Didace le regardait travailler. Une fois de plus l’origine de l’étranger l’obséda. Serait-il