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LE SURVENANT

ivrogne… un batailleur… un fend-le-vent… un pas-de-parole… un…

— Je t’en prie, fais pas ça, supplia Alphonsine. Elle aura assez de partager ses peines, puisqu’elle l’aime, sans lui faire porter la charge de ses fautes.

Dès qu’Amable fut loin, Didace attela et prit le chemin de Sorel. Durant la matinée, le temps fila vite. Alphonsine fit le train de la maison, et prépara le repas. Puis elle se mit à laver le plancher, toute à la joie de travailler sans témoin. Personne ne lui reprocherait, du regard, d’oublier le savon dans l’eau. Personne ne la verrait se reposer, après chaque travée. Alors elle lava d’affilée, sans souffler, le plancher, prenant soin, chaque fois qu’elle savonnait le guipon, de déposer le pain de savon au sec à côté du seau. L’Angélus sonnait au clocher de Sainte-Anne quand elle alla lancer l’eau sale au dehors. Elle pausa un instant. Sur la route il n’y avait pas trace de vie. Le ciel s’attristait. Des brins de pluie, rares et espacés, effleurèrent ses mains.

En se retournant, elle respira d’aise de trouver le plancher reluisant de propreté. Comme elle n’avait pas faim elle décida de manger seulement après le retour de Didace. Il ne tarderait guère. Deux heures sonnèrent. Et puis trois heures. Elle commença à trouver le temps long et, pour se désennuyer, feuilleta un ancien cahier de modes. Dès quatre heures,