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LE SURVENANT

Mais sa peine reprenant vite le dessus, au milieu d’un silence l’infirme demanda péniblement :

— Marie-Amanda, penses-tu… si je partais à sa recherche, que je réussirais à le ramener ?

Marie-Amanda hésita avant de lui donner une ombre d’espoir :

— Peut-être que tu le ramènerais, mais tôt ou tard il repartirait et tout serait à recommencer. À supposer que tu l’attacherais à toi, que tu le riverais à toi, même avec une chaîne de fer, si tu le voyais, chaque jour par ta faute, rongé d’ennui, le cœur ailleurs, et toi, pareille à une déjetée à ses yeux, pauvre Angélina !… tu le perdrais plus que tu le perds à c’t’heure. Si telle est sa volonté d’aller seul sur les routes, laisse-le à sa volonté. Même si c’est son bonheur de faire le choix d’une autre femme, accorde-lui son bonheur. Autrement, tu ne l’aimes pas d’amour. Aimer, ma fille, c’est pas tant d’attendre quoi que ce soit de l’autre que de consentir à lui donner ce qu’on a de meilleur. Abandonne-le, Angélina. Sans quoi, tu connaîtras jamais une minute de tranquillité.

— Je peux pas comprendre…

— Cherche pas à comprendre. Plus tard tu comprendras. De la peine, ma fille, ça meurt comme de la joie. Tout finit par mourir à la longue. C’est dans l’ordre des choses. Depuis huit jours t’es là,