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LE SURVENANT

tout autour une croûte qu’on casse pour prendre juste la belle chair ferme.

Phonsine se retint de frissonner. Indifférente en apparence, la figure fermée, elle écoutait le récit de ce qu’elle prenait pour de pures vantardises. Croyant la faire sourire, le Survenant, après avoir mangé trois fois de viande, repoussa son assiette et demanda à la ronde :

— Vous trouvez pas que le bouilli a goût de suif ?

Le visage de la jeune femme flamba. La plaisanterie n’était pas de saison : Venant le vit bien.

Didace se leva de table et sortit. Z’Yeux-ronds, toujours en jeu, sauta au milieu de la place pour le suivre. D’un coup de pied, Amable envoya le chien s’arrondir dans le coin.

— Où c’est que vous avez eu ce chien-là ? demanda le Survenant.

— As-tu envie de dire qu’on te l’a volé ? répliqua Amable, malendurant.

Deux ans auparavant, Z’Yeux-ronds, un chien errant, ras poil, l’œil toujours étonné, avait suivi la voiture des Beauchemin, jusqu’au Chenal. Une oreille arrachée et le corps zébré de coups, il portait les marques d’un bon chien batailleur.

— Il est maigre raide, avait dit Didace, en dépit des protestations d’Amable, on va y donner une petite chance de se remplumer.