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MARIE-DIDACE

jamais quitté le Chenal du Moine, et il ne serait pas mort. Chaque nuit, Phonsine ne retrouverait pas la sombre hantise de voir sa petite tomber dans le puits.

Si c’était à recommencer ! Qu’il en vienne donc un Survenant frapper à la porte des Beauchemin ! Phonsine le recevrait de la plus belle façon ! Ses forces, elle les exerçait toujours en rêve, elle les épuisait en rêve. Dans la réalité…

Deux larmes roulèrent sur les joues amaigries de Phonsine. Elle tirait, tirait…

— Tire, tire fort !

La gorge serrée, elle murmura : « J’ai peur de vous faire mal. »

À la fêlure dans la voix de la bru, Didace ouvrit les yeux. Il ne vit que sa tête penchée, sa chevelure châtain clair que des fils blancs striaient.

— Tu grisonnes ? dit-il doucement étonné.

La tendresse inaccoutumée du père Didace acheva de bouleverser Phonsine.

— Quiens ! elle fait encore sa lippe, dit l’Acayenne en prenant sa place. À croupetons sur le plancher, elle empoigna d’une main le cou-de-pied du père Didace, de l’autre elle saisit le talon et, en un rien de temps, lui enleva ses bottes.

Elle voulut lui envelopper les genoux dans une