Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
MARIE-DIDACE

Après le départ du Survenant, Phonsine avait recommencé à traîner au lit, le matin, comme autrefois. Moins par besoin de sommeil cependant — sa grossesse la portait plutôt à l’insomnie — que par satisfaction, croyant reconquérir ainsi à ses propres yeux la part de prestige que la présence de l’étranger lui avait enlevée.

Aux premiers temps, il lui arrivait même de s’éveiller de joie, au milieu de la nuit. Les yeux grands ouverts, elle cherchait à quel vert feuillage son cœur volait ainsi, léger et tout effarouché. Ah ! oui, le Survenant était parti. Il avait quitté le Chenal du Moine. Plus de gros repas à préparer pour les hommes, au petit jour, dans la cuisine humide où les ombres s’attardaient. Soucieux, le père Didace Beauchemin n’accomplissait plus que les travaux urgents. Le matin, il se contentait de manger les restes de la veille, souvent froids, ou encore du pain et du lait, avec du sucre du pays. Jamais il ne se plaignait de la nourriture.

Mais d’être seule à la savourer, Phonsine voyait sa joie perdre, de jour en jour, les couleurs du premier éclat, elle la voyait se faner, comme une plante à l’abandon. Sans qu’elle se l’avouât, la maison lui paraissait grande et les prévenances du Survenant lui manquaient. Si Amable avait voulu comprendre et se rendre serviable le moindrement !