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MARIE-DIDACE

Pendant que les femmes étaient intentionnées à écouter l’Acayenne, la mère Salvail glissa furtivement un beigne entre ses deux tabliers.

— D’abord, continua l’Acayenne, vous riez parce que je suis ben bâtie ? Ma graisse, c’est moi qui la porte. Puis c’est pas du suif.

Elle montra ses bras fermes.

— Puis, mon Varieur, c’était mon premier mari. J’en parlerai tant que je voudrai, tant que je vivrai, si vous voulez le savoir. Il y a pas de déshonneur là-dedans. Quand j’en parle, je vous ôte rien. Sa part d’amitié personne peut la prendre, pas plus que lui prendra celle du père Didace. C’est pas parce qu’un homme est mort depuis des années… C’était un pêcheur, pêcheur d’éperlan, et c’était pas un ange, si vous voulez le savoir. Il buvait. Des fois il buvait toutes ses pêches. En fête il se possédait pas. Il faisait maison nette, le tuyau du poêle à terre, tout revolait. Mais à jeun, par exemple, il y avait pas meilleur cœur d’homme. Quand il disait : La Blanche, en parlant de moi, il avait tout dit. Une nuit qu’il s’était endormi sur la corvette, un raz de marée a tout lavé sur le pont, lui avec.

« J’avais jamais connu ce que c’était de le soigner. Il était charpenté fort, et ben dur à son corps. Un gaillard. En santé. Jamais une minute de maladie