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MARIE-DIDACE

pas seulement de ce qui s’achète, mais de ce qui se donne. Rien ne se perd dans le monde. Le Survenant le disait toujours. Une neuvaine de beau temps nous récompense des jours pluvieux. Il devait en être ainsi des joies. Sa part de joie, de toutes les joies dont elle avait été privée, elle la donnait au petit.

Une clameur partit de la commune. À peine assourdie par les clairs aulnages des berges, elle traversa la rivière, filant sa détresse au-dessus de l’eau. Un vent faible la répandit le long de la côte sud, éveillant les chiens du voisinage. Leurs aboiements tenaces, affolés renforcèrent la rumeur et la propagèrent au delà des prairies.

Assise dans son lit, Phonsine écouta. Elle distingua nettement au milieu des jappements, du heurt des sabots et de piétinements du sol, le cri de porcs qu’on égorge.

— Des voleurs d’animaux. Amable ! réveille-toi, il se passe de quoi sur l’île !

« Il dort comme un bienheureux, pensa Phonsine. Il dormirait le gros bout dans l’eau. Des malfaiteurs me tueraient à ses côtés, on passerait au feu et il n’en aurait même pas connaissance. »

Pieds nus, elle marcha dans l’obscurité jusqu’à la chambre de son beau-père. Le père Didace n’avait pas couché à la maison. Sur le coup elle ne s’en