Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
MARIE-DIDACE

yenne battirent comme des ailes. Puis elle ouvrit tout grands les yeux, les posa à peine sur Didace, puis sur les portraits des Beauchemin. Et, fixant ses mains jointes, elle dit presque bas :

— Tout le monde peut pas avoir, comme les Beauchemin, des yeux qui coupent !

Autrefois pareille réponse eût comblé de joie le cœur du vieux Didace. Mais plus maintenant. Enfoncé dans son fauteuil, il examinait l’Acayenne, elle-même si absorbée dans ses pensées qu’elle ne s’en rendit pas compte. De fines rides la marquaient de la patte d’oie aux tempes et des cheveux blancs ternissaient la chevelure d’or roux. Toutefois le regard de Didace s’arrêta avec complaisance aux plis rosés de la nuque. « Elle est grasse comme une caille. Ben logée. Ben nourrie. Sa vie assurée ; pas l’ombre d’un souci. Ça peut pas se faire autrement. »

Mais au delà de la chair et de la blancheur de l’Acayenne, il lisait autre chose : elle l’avait épousé pour la sécurité de ses vieux jours ; de cœur, elle appartenait au Cayen Varieur. « Je suis pas fou à demeure, pensa-t-il. Elle a beau m’appeler « le mien », elle peut pas oublier l’autre. Comme de raison c’est avec lui qu’elle a mangé sa misère. »

L’Acayenne l’avait-elle triché ? Certes, elle avait passé l’âge d’élever une famille. Mais c’était à lui,