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MARIE-DIDACE

émergeait une tête de manœuvre. Des peintres ceinturaient de vermillon les cheminées noires. Par intervalles, l’air perméable apportait le résonnement de grands coups de maillet que des calfats appliquaient au flanc des chalands de bois.

Au seuil des maisons, des rentiers s’attardaient à prédire la débâcle. Place Royale, des jeunes gens, par grappes, navigateurs ou compagnons, s’entretenaient de leur engagement prochain. À l’approche des filles, ils se taisaient. Mais dès qu’elles les avaient dépassés, de nouveau ils haussaient la voix, la plaisanterie à la bouche. Si l’une d’elles, plus hardie, se retournait pour leur donner la riposte, ils se tordaient de rire. Leur figure basanée portait à la fois l’assurance des garçons élevés dans les villes et la marque de l’air marin. Après l’engourdissement d’un hiver sédentaire, il leur tardait de reprendre à naviguer.

Vers midi, Didace, las d’errer, abandonna Phonsine à ses recherches.

— Je me rends chez le notaire. Viens me retrouver là à deux heures. Surtout, ajouta-t-il, fais-toi pas mourir à le chercher. Là où il est, il est toujours pas planté en terre. Il nous reviendra ben.

Il s’efforçait de bourrasser, c’était visible, mais une fêlure brisa sa voix, quand il reprit :

— Si tu le rejoins, arrange-toi, sans faire sem-