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MARIE-DIDACE

de se laisser dériver avec le courant. Mais la feuille heurtait un caillou.

Phonsine se retrouva péniblement à la réalité de la chambre. Ah ! oui, elle avait une petite fille. La joie la fit palpiter. Avec la joie, le sang, par ondes chaudes, afflua en elle. Elle chercha à se calmer.

— Je mourrai pas.

Elle pensa : « Ça ferait trop plaisir à l’Acayenne. » Puis elle se mordit les lèvres, de contrition. Pour sa pénitence, quand elle serait plus forte, elle égrènerait deux dizaines de chapelet.

Sûrement Amable aurait préféré un garçon, mais lorsqu’il reviendrait, elle lui dirait : « Regarde comme elle est belle. C’est parce qu’elle ressemble aux Beauchemin. » De nouveau, la fièvre la mangeait. Amable était debout, à côté de la couchette. Il suppliait sa femme de lui mettre la petite dans les bras. Phonsine essayait bien. Elle voulait lui dire : « Tu vois pas que j’ai les deux mains attachées ? » Mais elle ne parvenait ni à parler, ni à lever un doigt. Alors il repartait.

Phonsine se réveilla, la tête baignant de sueur. Dans la cuisine, le ber criait, sous la poussée du gros pied de Didace.

— Je voyage, se plaignit-elle accablée.

Le père Didace entendit la plainte. Il entr’ouvrit plus grande la porte de chambre :