Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
MARIE-DIDACE

arrivée pour avoir fait tant de besogne ? Avant le jour, sûrement. Ils avaient dû s’épouser la veille, dans la soirée, à Sorel. Peut-être le père Didace avait-il craint quelque charivari…

L’Acayenne prit une tasse commune, l’emplit jusqu’au bord de thé brûlant et l’offrit à Phonsine :

— Je vas-ti vous l’adoucir de quelques grains de sucre ? demanda-t-elle. Puis, vous devez avoir faim ?

Faim ? Phonsine n’a pas plus faim que la rivière a soif. Elle avança la main sans comprendre pourquoi elle obéissait. C’était cela : elle obéissait comme lorsqu’elle avait six ans. Sa mère venait de mourir. Sa seule tante — une demi-sœur de sa mère — prise de pitié spontanée, l’avait hébergée. Mais les premiers jours de deuil passés et l’élan de générosité retombé, la tante n’entendait pas garder pour rien la petite pâlotte, la larme à l’œil, et gauche, toujours à terre, un bas déchiré, tandis que le père dépensait ses gages à boire. Elle le fit demander.

Joseph Ladouceur arriva, éméché, à Saint-Joseph de Sorel. De plus il portait une nouvelle perruque, frisée, ce qui parut à la tante du pire dévergondage et, du coup, abolit ses dernières hésitations. Vainement chercha-t-il à l’attendrir :

— Ma femme… ta pauvre sœur… Pense donc, six mois au lit… les remèdes… le docteur… puis la