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MARIE-DIDACE

Aveuglée par la clarté brutale, Phonsine ne vit rien. Mille soleils étincelèrent devant elle, lui firent fermer les yeux. Lorsqu’elle les ouvrit, l’Acayenne allongée, droite sous les couvertures, paraissait reposer, magnifique dans sa chair. Sur son visage calme et légèrement penché, comme dans un moment de réflexion, la bouche gardait le pli du sourire. Une teinte rosée persistait aux joues et à la gorge. Des frisons, qu’une dernière sueur avait dû provoquer, ornaient le front lisse d’une frange d’or fané. Aucune trace d’agonie.

Hypnotisée, sans comprendre, Phonsine ne quittait pas des yeux le visage immobile. Soudain, elle abaissa la vue. Sur la courtepointe rouge feu, les mains jointes formaient un nœud dur et grisâtre, comme un nœud de bouleau. Du bout des doigts, elle les effleura puis recula jusqu’au mur. L’Acayenne était morte. Seule. Sans le prêtre. En pleine nuit.

Toute la paroisse accuserait Phonsine d’avoir tué l’Acayenne parce qu’elle la haïssait. Beau-Blanc témoignerait devant le corps de jury qu’elle l’avait laissée manger, la veille. Elle était la honte, le déshonneur de Marie-Didace, des Beauchemin, de la paroisse…

Ce fut la fin du monde. Un chaos épouvantable. Des mains monstrueuses happèrent Phonsine ; elles