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MARIE-DIDACE

petits secrets de jeune fille. Mais Marie-Amanda, avec ses huit enfants, — le huitième venait de naître —, avait ses soucis. Et puis, on change. L’une mariée à l’Île de Grâce, l’autre, fille au Chenal du Moine, certes elles se retrouveraient toujours avec plaisir, mais elles n’avaient plus la même vie.

Non, cette peine-là était à la fois trop vive et trop délicate, pour permettre à de vaines paroles de la flétrir, même de l’effleurer. Angélina la protégerait. Inconsciemment, ses mains refaisaient le geste maternel de mettre une plante à l’abri, de l’entourer.

Tout de même, l’infirme eût aimé proclamer à tous les vents, au Chenal du Moine, que le Survenant avait fait sa part, qu’il était mort à la guerre, « les yeux au ciel, fier de repartir voir un dernier pays », en glorieux, comme il l’avait promis, non pas en trimpe, tel qu’on le lui avait prédit. Elle se tairait. On ne saurait rien de lui. Son silence serait sa revanche sur le vaste monde…

— Mes rosiers ! pensa Angélina.

Ses rosiers qu’elle devait transplanter, l’après midi même, avant les grandes gelées d’automne. Puis Marie-Didace devait l’attendre. À l’image de l’enfant grimpée sur le four à pain, Angélina eut un faible sourire.