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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Presse le Dieu glacé d’une suprême étreinte.
Mais de soudaines voix ont répété sa plainte,
Comme un écho prochain, dans le temple obscurci :
Les voix des mornes Sœurs, celles qui vont aussi
Appelant et cherchant le Fils de leurs entrailles,
Et qui, le sein meurtri, mènent les funérailles
De l’Epoux disparu, frappé du coup fatal,
Astoreth qui réveille Adoni dans Gébal,
Et la féconde Isis qui recueille et sillonne
De ses larmes sans fin le coffre et la colonne
Où, comme en un vaisseau, sur l’abîme ont roulé
Les membres refroidis d’Osiris mutilé.
Ištar entend. Le corps des célestes Pleureuses
Sur les degrés s’affaisse en poses douloureuses,
Et le double sanglot de leur commun regret
Au cœur de la Déesse est comme un double trait.
La passion la brûle et la fureur l’égaré.
Son manteau d’or tissé l’accable ; sa tiare,
Où l’Étoile du soir s’incruste et resplendit,
Tombe et sur le pavé par trois fois rebondit.
Rompant les nœuds croisés de son écharpe étroite.
Sous ses doigts convulsifs, la tunique où miroite
Le pectoral i)rodé se fend du haut en bas.
Les bracelets massifs en glissant de ses bras
Et les colliers rompus, pesants comme des chaînes,
Sur le sol, à ses pieds, traînent leurs splendeurs vaines.
Noirs comme un ciel d’hiver, ses lugubres cheveux
D’une lourde nuée ombrent ses reins nerveux ;
Un tragique frisson, des seins aux pointes dures