Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/148

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De métal ciselé charge sa chevelure,
Où le Disque étincelle entre les cornes d’or.
Un épervier d’émail s’étale et prend l’essor
Sur les orbes légers de ses pendants d’oreilles.
Des fleurs brodent sa robe étroite et, sur des treilles
D’émeraudes, mêlant leurs pampres, des raisins
En grappes de rubis pendent entre ses seins.
Des serpents verts, aux yeux de diamant, se tordent
Autour de ses genoux jusqu’au ventre qu’ils mordent.
Comme des gouttes d’eau sur un corps virginal
Brillent, après le bain, au soleil matinal,
Des perles, par un fil invisible tenues,
Roulant et s’égrenant au long des jambes nues,
D’une pluie irisée aux reflets incertains
Inondent l’airain clair des pieds aux ongles teints.
Cléopâtre a pleuré. Morne, les mains croisées
Sous l’obscure épaisseur de ses boucles frisées,
Elle songe. Alentour les flambeaux adoucis
D’une vague rougeur teignent des Dieux assis,
Roides, les bras tendus sur leurs genoux rigides,
Et mêlent aux profils sculptés des Rois Lagides
Les colosses carrés des Pharaons défunts.
En vain l’ombre la garde ; en vain les noirs parfums
D’une torpeur subtile ont enivré la Reine ;
En vain l’esclave grecque à ses côtés se traîne
Et lui présente encor, d’un geste agonisant,
L’éventail écarlate ou l’encensoir pesant :
Cléopâtre, oublieuse et du sort et des armes,