Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Ils ont vu le vieux Fleuve, aux deux berges fertiles,
Sous les roses lotos monter et s’élargir
Et verser son eau rouge où, près des crocodiles,
Buvaient de grands lions qu’ils entendaient rugir.

Ils vont, ne sachant rien, parmi les noirs décombres
Des temples monstrueux reflétés par le Nil,
Voyageurs égarés qui marchent dans les ombres
Vers un miraculeux et prophétique exil.

Ils vont dans la nuit claire où nagent des étoiles,
Comme des vaisseaux d’or voguant devant leurs pas.
Et Miryam pensive abrite sous ses voiles
L’Enfant mystérieux qui rêve entre ses bras.

La Vierge lui sourit et Ioseph conduit l’âne.
Mais le vague chemin s’efface et se confond
Dans une solitude immense et diaphane,
Sous la lune éclatante en un azur profond.

Et le vieillard Ioseph s’arrête, écoute, hésite,
Comme un guide incertain, dans le silence accru.
Des colosses, fermant la demeure interdite,
Barrent à l’étranger le chemin disparu.

Cherchant une autre voie en des sentiers funèbres,
Heurtant sa marche errante aux socles rapprochés,
Il rencontre toujours, au milieu des ténèbres,
Des murailles sans fin et des remparts cachés.