Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/189

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Et voici que j’irai vers les douleurs humaines,
Vers l’aveugle, le sourd, l’humble et le possédé,
Vers le juste opprimé, vers la veuve en ses peines,
Vers qui sous le fardeau tombe sans être aidé.

Semeur inattendu des nouvelles paroles,
Comme le grain qui germe au sillon du labour,
Dans le sein desséché des nations frivoles
J’enfouirai l’espoir des récoltes d’amour ;

Disant : Heureux les doux ! Heureux les pacifiques !
Heureux les affamés et les simples de cœur !
Car ils verront fleurir dans les cieux magnifiques
La palme que le Père a promise au vainqueur.

Bienheureux l’insulté ! Bienheureux ceux qui pleurent
Et qui souffrent, joyeux, pour la justice et moi,
Fidèles en leurs jours aux règles qui demeurent,
Enseignant et vivant à l’ombre de la Loi !

Pardonne et tends la joue à la main qui soufflette ;
A qui prend ta tunique abandonne un manteau,
Et ne fais point sonner ta prière secrète
Comme un airain sonore offert sur un plateau.

L’oiseau ne sème pas, ne moissonne et n’amasse ;
Mais le Père nourrit l’oiseau du ciel. Vois-tu
Croître le lys des champs dont la splendeur dépasse
Celle de Salomon, de pourpre et d’or vêtu ?