Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/206

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Car il a pressenti les douleurs éternelles
Du mal qui nous consume et qui ne peut guérir :
Cette humaine fureur des voluptés charnelles,
Jointe à l’effroi d’aimer ce qui devra périr.

Et voici que les cœurs déçus et las d’attendre,
Mais toujours dévorés d’un immortel tourment,
Ont tressailli d’espoir à sa voix grave et tendre,
Comme une amante émue à l’appel de l’amant.

O Maître ! ô cher Seigneur ! ô Préféré des femmes !
Si tu connus jamais, en ton rêve divin,
La grande inquiétude éparse dans nos âmes,
Réjouis-toi ! Le monde expire et tout est vain.

Toutes ont répondu, vierges ou courtisanes,
Au mystique sanglot que tu poussas un jour,
Et toutes, dédaignant les ivresses profanes,
Ont bu la joie austère à ta source d’amour.

Quel es-tu cependant, toi que dans les mystères
L’Hiérophante obscur n’osa point révéler,
Passant qui murmurais des secrets salutaires,
Passant miraculeux, venu pour consoler ?

Quel es-tu, quel es-tu, toi vers qui les extases
Palpitaient vaguement et prenaient leur essor,
Quand les femmes, versant les blonds parfums des vases,
Essuyaient tes pieds nus avec leurs cheveux d’or ?