Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/233

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Celle à qui l’Univers s’offrait en sacrifice
Et de qui le cadavre exécrable et les os
De la vieille Cloaque infecteront les eaux !

Malheur, malheur ! Le vin de haine et de colère
Hors du vase enivrant a débordé sur l’aire,
Comme une outre crevée en un marché public.
Et les marchands d’Asie ont pleuré leur trafic ;
Car nul ne verra plus les vaisseaux qu’on arrime
D’un pavillon d’azur orner encor la cime
De leurs mâts et, joyeux des favorables vents,
Suivre un chemin d’écume au sein des flots mouvants !
Tombée ! Elle n’est plus, la Courtisane-Reine
Qui trônait triomphante en sa fierté sereine,
Accumulant sans trêve au seuil de son palais
Des amas d’or, d’argent, de bronze aux verts reflets !
Sur les bois odorants, sur les tapis de soie,
Elle a de ses pieds nus détaché la courroie ;
Elle a foulé la pourpre et laissé les rubis,
Les perles, les saphirs pleuvoir de ses habits ;
Et parmi les parfums des chaudes cassolettes,
Sur un lit d’or, fleuri de roses violettes,
Elle a dans son ivresse et son obscénité
Aux débauches des Rois vendu sa nudité.

Peuples, voici l’arrêt ! Babylone est jugée.
Un Ange entre ses poings l’a saisie et plongée
Comme un rocher massif dans l’abîme des flots.
Aux voix de ses chanteurs, aux chants des matelots,