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— Quelle folle idée ! dit le paien. Crois-tu donc que ton Dieu a le pouvoir de te protéger contre moi ?

— Mécréant, répondit Guillaume, que Dieu te confonde ! S’il veut me soutenir, ton grand orgueil sera bientôt abattu.

— Tu as l’âme fière, dit le Turc. Si tu veux abjurer ton Dieu et adorer Mahomet, je te promets avoir et richesse, plus que jamais les tiens n’en ont possédé.

— Misérable, que Dieu te confonde ! jamais je ne le renierai.

— Tu es bien fier, reprit le Turc, de ne pas te laisser détourner du combat. Comment es-tu nommé ? Ne me le cache pas.

— J’ai nom Guillaume le marquis, fils du vieil Aymeric à la barbe, et Hermengart au blanc visage est ma mère. J’ai pour frères Bernard de Brebant, Garin, Bueve de Commarchis, Guibert d’Andernax et le „chétif” Aymer, qui a fait vœu de ne jamais coucher sous un toit, mais qui toujours reste exposé à l’air et au vent, occupé à pourfendre Sarrasins et Esclavons. Il n’aime pas votre race, celui-là.

En entendant ces paroles le païen contint à peine sa fureur ; il roula les yeux et fronça le sourcil en s’écriant :

— Chien de Français, tu as vécu trop longtemps, toi qui as cherché la mort des miens ! — Tu es bien fou de croire en celui qui ne te servira de rien. Dieu est là-haut, au-dessus du firmament ; de la terre pas un arpent ne lui appartient : ici Mahomet règne. Je fais autant de cas de vos messes et de vos sacrements que d’un coup de vent ; votre religion n’est que folie.

— Infâme, répondit Guillaume, que Dieu t’écrase ! C’est ta foi qui est ridicule. Personne n’ignore que Mahomet fut un prophète de Dieu. Il vint à la Mecque pour prêcher le nom de Dieu ; mais il aimait trop à boire et s’enivrer, et il finit par être mangé par les pourceaux. Celui qui croit en lui n’a pas le sens commun.