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Guillaume seul ne daigne pas se reposer. Il demande ses armes pour aller chasser dans les environs. Il endosse le haubert, lace le heaume d’acier et ceint l’épée à la poignée incrustée d’or. On lui amène son destrier Alion ; il y monte par l’étrier de gauche, met un écu neuf à son cou et prend en main un épieu fort et affilé, où un gonfanon est attaché par quinze clous d’or.

Il ne se fait accompagner que de deux chevaliers, et va suivre le cours de la rivière.

Le vieux Richard, qui l’avait fait épier pendant toute la journée, se présente inopinément à ses yeux, de l’autre côté de l’eau, accompagné de quinze hardis chevaliers. Quand Guillaume l’aperçoit, il tressaille, et appelant ses deux compagnons, à voix basse il leur adresse ces paroles :

— Barons, que faut-il faire ? Voici Richard-le-roux qui, parce que j’ai tué son fils, me hait plus qu’homme sur terre, quoique nous nous soyons réconciliés et que la paix ait été jurée dans la cathédrale de Tours.

— De quoi le soupçonnez-vous ? demandèrent-ils. Chevauchons toujours et avançons-nous jusqu’au pont. Saluez-le courtoisement et d’un ton d’amitié, et s’il ne vous répond pas de même, fiez-vous à vos armes ; nous ne vous faudrons pas pour tout l’or du monde.

— Grand merci, barons, dit le comte, et il marcha droit au pont, où il arriva le premier.

— Duc, cria-t-il à son ennemi, que Dieu vous protège ! Faut-il que je me tienne en garde contre vous ? Nous nous sommes réconciliés, nous avons juré la paix dans la cathédrale de Tours, et nous nous sommes embrassés aux yeux de cent chevaliers.

— Oui-da, dit Richard, tu sais bien prêcher ; mais ton sermon ne te servira à rien. Tu m’as fait perdre mon fils, l’héritier le plus digne de mes terres, et par saint Jacques ! je ne te laisserai pas partir d’ici sans t’en châtier. Tu n’as aucun secours à attendre ni de Dieu ni des hommes ; per-