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récompensez-le selon le service qu’il vous a rendu. C’est ici que vous devez commencer la guerre, puisqu’il est le premier qui se met contre vous.

— Par mon chef ! vous dites vrai, reprit le comte.

Gautier lui tient l’étrier, et il descend de cheval ; puis ils montent les degrés du palais en se tenant par la main.

Quand le roi aperçut le comte, il se leva et se jeta à son cou, en lui disant :

— Seigneur Guillaume, vous manque-t-il quelque chose ? Vous faut-il de l’or ou de l’argent que je puisse vous donner ? Vos désirs seront satisfaits sur l’heure.

— Grand merci, Sire, répondit Guillaume. J’ai tout ce qu’il me faut. Je ne viens que pour vous faire cette prière : ne placez jamais votre confiance en un misérable.

Puis, regardant autour de lui, il vit le vieil Aymon à l’autre bout de la salle. Et s’adressant à lui, il lui dit ces paroles injurieuses :

— Misérable, infâme, que Dieu confonde ton chef ! Pourquoi t’ingénies-tu à médire d’un homme noble, lorsqu’en ma vie je ne t’ai fait de mal ? Tu fais tout ce que tu peux pour me calomnier ; mais par saint Denis ! avant que tu sortes d’ici, je te le ferai payer cher.

Puis rejetant son manteau en arrière, il s’élança vers lui, le saisit par les cheveux de la main gauche, et de l’autre lui asséna sur la nuque un coup, qui lui brisa l’os, et le jeta mort à ses pieds. Alors il prit le cadavre par la tête et Gautier de Toulouse par les jambes, et ils le lancèrent par la fenêtre dans le verger, où il alla frapper un pommier qui se cassa en deux.

— Bon voyage ! crièrent-ils, misérable calomniateur ! Dorénavant la médisance ne te rapportera pas un denier.

Puis s’adressant au roi, Guillaume lui dit :

— Roi Louis, ne prêtez pas l’oreille aux méchants ni aux calomniateurs. Votre père ne les aima jamais. Moi, je pars pour l’Espagne, qui vous appartiendra, si je puis la conquérir.