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Quand Guillaume vit tomber Pharaon, il s’en réjouit ; cependant il dit :

— Seigneur du paradis ! nous n’en serons pas moins livrés à la mort.

— N’aie pas peur, mon oncle, répartit Guibelin, tu n’es pas sans amis dans ce palais.

— Ils sont en petit nombre, dit Guillaume.

Le jeune Guibelin regarda autour de soi : il remarqua une grande hache qui pendait à un pilier, et la saisissant à deux mains, il en frappa un païen de Barbarie et le pourfendit jusqu’à la poitrine.

Plein de rage, Arragon cria :

— Saisissez-le, Sarrasins ! Par Mahomet ! ils s’en trouveront mal ; jetez-les moi dans le Rhône.

— Arrière, misérable ! lui cria Guibelin. Vous nous avez fait sortir de prison, vous nous avez fait conduire dans ce palais, eh bien ! par l’apôtre qu’on implore à Rome ! vous y avez introduit des compagnons dont vous ne vous réjouirez pas.

En ce moment deux Sarrasins entrèrent dans la salle, portant un tonneau de vin pour le service du palais ; quand ils virent pleuvoir ces grands coups, ils prirent la fuite et laissèrent tomber leur fardeau. Le comte Guillaume se rendit maître de la perche avec laquelle ils avaient porté le tonneau, et la brandissant à deux mains, il se mit à frapper à droite et à gauche. Celui qu’il atteint n’est pas là pour son plaisir.

Les deux chevaliers se servirent si bien de leurs armes que bientôt ils eurent tué quatorze Sarrasins ; le reste, saisi de terreur, s’enfuit au-delà de la porte, qu’on ferma sur eux avec barres et verroux.

Arragon était hors de lui ; il criait après les fuyards :

— Par Mahomet ! venez donc à mon secours. Ce Guillaume m’a trop malmené ; il m’a pris le palais et je ne vois pas moyen d’y rentrer.