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Cependant Vivian alla camper sur le bord de la mer dans l’Archant.

À la Pentecôte, quand les fleurs s’épanouissent et les prés reprennent une couleur plus vive, Desramé tint à Cordoue une riche cour plénière avec ses ducs, ses comtes et ses vassaux. Il était heureux de vivre en paix avec Guillaume au court nez, car la guerre lui avait causé beaucoup de chagrin. On célébra une grande fête en l’honneur de Mahomet ; les païens firent résonner leurs cors et leurs trompettes, et le roi Desramé était plein d’une joie, qui bientôt devait se changer en douleur et en courroux.

Un vaisseau s’approche de Cordoue, envoyé par Vivian ; il s’y trouve cinq cents païens à qui l’on a coupé les lèvres et le nez, ou bien les pieds et les poings, ou auxquels on a en outre crevé les yeux. Il ne s’en trouve que quatre qui ne sont pas mutilés : ceux-là sont chargés d’offrir au roi le présent de Vivian.

Les lamentations des malheureux attirèrent l’attention de Desramé, qui fut tout étonné d’entendre ces cris de douleur. Les quatre hommes qui avaient été épargnés, conduisirent les blessés devant le roi.

— Desramé, Sire, firent-ils, écoutez ! Voyez-vous ces hommes si maltraités ? C’est celui qu’on appelle Vivian, le fils de Garin d’Anséune, le neveu de Guillaume, le marquis au court nez, le petit-fils du vieil Aymeric, qui vous les envoie ; parce qu’il vous méprise et veut vous faire enrager. Il n’y a pas longtemps qu’il a été fait chevalier, et déjà il a pris Luiserne et tué vos parents. Marados est mort et vos terres sont brûlées et saccagées. Du côté de l’Archant tout le pays est en son pouvoir, et nous sommes tous des hommes morts, si vous ne nous secourez.

À ces mots Desramé fronça le sourcil et changea de couleur de douleur et de rage.

— Par Mahomet ! fit-il, ne me cachez pas le nom du garçon qui est assez hardi et féroce pour piller et brûler