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des païens et chevauché parmi eux la lance au poing. Restez ici et reposez-vous ; je ne veux pas que vous vous exposiez pour moi. Si je n’avais peur d’encourir les reproches de mes braves, personne n’irait, sinon moi-même.

Girard vit bien que Vivian lui en voulait. Sans rien dire il va prendre une lance et se remet en chemin, jurant qu’il passera, à moins d’être tué ou pris. Il fait le signe de la croix, se recommande à Dieu et part. À peine avait-il fait une demi-lieue qu’il fut découvert. On lui demanda qui il était et où il allait.

— Seigneurs, répondit-il, je suis Gasteblé. Sur l’ordre de Desramé j’ai fait le guet toute la nuit, afin que Vivian ne nous échappât point. Mes hommes viennent derrière moi.

— Par Mahomet ! dit un païen, tu mens. Tu n’es pas le puissant roi Gasteblé. Je sais qu’il est en ce moment assis devant sa tente, en compagnie de Cador et de Tempesté ; il a été blessé hier et vient de faire chercher ses médecins. — Soldats emparez-vous de ce misérable ; c’est un Chrétien, je le reconnais trop bien. Il va chercher du secours auprès de Guillaume au court nez.

— Tu en as menti, répondit Girard ; et en même temps il pique son cheval, tire l’épée et se jetant sur celui qui venait de parler, il lui porte un coup qui le fend en deux jusqu’au baudrier.

De toutes les tentes des cris s’élèvent et de toutes parts il est assailli. Il s’élance au galop, et celui qu’il atteint de son épée est un homme mort. Les païens lancent après lui leurs javelots affilés ; son écu en est criblé. Mais Dieu ne permit pas qu’il fut blessé.

Girard fit tant que, malgré tous leurs efforts, il passa à travers leur camp et gagna le chemin d’Orange ; mais il était à bout de forces et son haubert était rompu en plusieurs endroits.