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abattre ! Ne perdez pas courage, poursuivit-elle, envoyez vos brefs de tous côtés, et faites rassembler serviteurs, vassaux et soudoyés ; mon trésor est bien garni, soixante-et-dix chevaux ne suffiraient pas à le porter, et je donnerai jusqu’au dernier denier pour secourir Vivian.

Guillaume accepta de grand cœur, et il se mit à rassembler des soldats de tous côtés. Il se trouva bientôt à la tête de dix mille combattants que dame Guibor fit héberger.

Guillaume appelle auprès de lui Hunaut de Saintes, Gautier de Toulouse et Bertrand, et leur ordonne de tenir leur troupes prêtes pour le lendemain au point du jour afin d’aller attaquer les gens d’Afrique.

Guichardet, le jeune frère de Vivian, un cadet de quinze ans, ayant entendu raconter dans quelle mauvaise passe se trouve son frère, pria Guillaume de lui donner des armes et de lui permettre de l’accompagner. Mais Guillaume refusa en lui disant :

— Tu es trop jeune pour courir sus aux Sarrasins. Si tu venais en Aleschant et que tu visses ces grands vaissaux et ces païens tout couverts de leurs armures de fer, les prés inondés de sang et de cervelle, et ces païens coupés en deux entassés l’un sur l’autre, tes yeux ne pourraient regarder ce spectacle et ton courage ne le supporterait pas.

— N’ayez pas peur, lui répondit Guichardet ; quand je fuirai, vous-même n’y demeurerez pas.

Guillaume sourit en entendant cette parole.

— Tu resteras ici avec Guibor, dit-il, et quand je serai revenu d’Aleschant, je t’armerai chevalier quand il te plaira.

Le jeune homme rongea son frein. Cependant les barons ayant soupé au château de Gloriette, s’en vont au bourg se coucher en leurs hôtels. Le lendemain de bonne heur on chanta la messe à Orange et tous les chevaliers y as-