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me portera malheur. Mais par le saint Sauveur ! tant que je vivrai, les païens sentiront mon bras. Je ne ferai pas honte à mes ancêtres et les jongleurs ne chanteront pas de moi une mauvaise chanson. On ne dira pas que j’ai cédé un pouce de terrain tant que j’ai été en vie.

Le comte Guillaume et les siens firent tant qu’ils mirent en déroute un escadron de Turcs. Alors ils pensèrent à se mettre en sûreté et prirent le chemin d’Orange. Mais un grand corps de troupes ennemies leur barra le chemin, le roi Bafumet en tête.

— Sainte Vierge, dit Guillaume, je vois bien que nos moments sont comptés. Guibor, douce sœur, nos amours finiront aujourd’hui ! Mais avant de mourir je me défendrai de manière à ce qu’on ne puisse jamais dire que j’ai été lâche.

À ces mots il embrassa fortement son écu, et brandissant une lance qu’il avait arrachée des mains d’un païen, il dit à ses hommes :

— La couardise ne ferait pas notre affaire. Vous voyez la route obstruée de païens ; nous n’y passerons pas sans un rude combat ; mais si nous surmontons cet obstacle, nous sommes sauvés. Recommandons-nous au fils de la Vierge : je suis bien décidé à me frayer un chemin avec mon épée.

Il brandit sa lance et tous ses hommes crièrent : „Monjoie ! ” Les coups d’épée se succédèrent sans interruption, et bientôt la terre fût rouge de sang. Mais les païens maudits sont en trop grand nombre.

Le premier ennemi qui sentit l’épieu de Guillaume fut le roi d’Urgalie. Son écu et son haubert ne lui servirent pas à grand’chose ; il mourut du coup, sans jeter un seul cri. Ensuite tirant l’épée à la poignée dorée — c’était Joyeuse, qui lui avait déjà rendu maint bon service, — le comte en fendit la tête au premier Turc qui se présenta et fit mordre la poussière à plusieurs autres. Guidé par sa colère il les malmène tant que les païens ne purent s’abstenir de dire :