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— Non, beau sire, votre souper mérite tous les éloges. Mais avant de partir d’Orange je jurai à ma femme, Guibor au clair visage, que je n’en goûterais mie, et je veux tenir mon serment jusqu’à mon retour. Je vous prie de ne pas m’en vouloir.

Le bourgeois le laissa tranquille.

Après le souper on enleva les nappes et l’on fit dresser un lit au noble comte avec des coussins moelleux et des couvertures d’outre-mer ; mais Guillaume ne voulut pas s’y coucher. Il fit apporter de l’herbe fraîche et des joncs ; il étendit là-dessus la couverture de son cheval et s’y coucha. Il ne ferma l’œil de la nuit ; les pensées qui l’obsédèrent jusqu’au jour, l’en empêchèrent.

Le lendemain de bonne heure il se fit apporter son haubert qu’il endossa, ensuite il ceignit son épée.

Son hôte lui demanda où il comptait aller ?

— Je ne veux rien vous cacher, dit le comte. J’irai là-haut, parler à Louis, pour lui demander du secours. Mais par le Dieu qu’on adore ! malheur à celui qui me le refuse et se permet de blâmer ma demande !

— Monseigneur, lui répondit l’hôte, que Dieu vous conduise ! Vous trouverez une assemblée bien fastueuse ; car le roi doit couronner Blanchefleur, votre sœur, et il va lui donner le Vermandois pour douaire. C’est bien la plus belle terre qu’on puisse nommer, mais qui sera l’occasion de guerres sans fin.

— Bon, dit Guillaume, j’aurai voix au chapitre et il faudra que tout passe par mes mains ; car je suis de droit le gardien de la douce France et je porte son oriflamme ; que s’ils me contestent quoi que ce soit, s’ils me mettent en colère, j’aurai bientôt déposé le roi de France et ôté la couronne de son chef.

Quand le bourgeois l’entendit parler de la sorte, il commença à trembler de peur. Sans plus attendre, le marquis quitta son hôtel et marcha droit à la cour. Il portait