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Car par mon honneur ! avant la fin du jour j’aurai abattu l’arrogance du roi.

Il se tenait au milieu de la salle voûtée, le visage enflammé par la fureur, et sa main pressait convulsivement la poignée de son épée nue.

Personne ne lui répondit et c’était sagesse de leur part, car celui qui l’eût poussé à bout aurait eu la tête fendue.

Louis lui-même pencha la tête sur sa poitrine. Toute la salle était silencieuse, comme si l’on avait commencé la messe.

Les Français qui s’étaient retirés d’un côté, se disaient entr’eux à voix basse :

— Guillaume a insulté la reine ; si on l’eût laissé faire, il l’aurait tuée. Il l’a traitée d’une manière affreuse. Et cela à cause de cette misérable cité d’Orange, qui a été fondée pour notre malheur. Il voudrait sacrifier toute notre jeunesse. Voyez comme il a une grosse tête, ce démon ! Le diable lui est entré au corps ; voyez comme il a le visage en feu ! Je crains bien qu’avant que la cour ne se soit séparée, son épée ne soit souillée de notre sang. Plût à Dieu qu’il fût au delà des mers, ou en Égypte, ou même au fond des eaux, avec une grande pierre au cou ! la France serait délivrée d’un démon.

En ce moment ils aperçurent Aalis, et si tous les regards se fixèrent sur elle, il n’y a là rien d’étonnant ; car elle semblait une rose au mois de Mai. Elle avait le teint plus blanc que neige, ses joues étaient colorées et ses yeux étincelaient, si bien qu’en toute la France, qui cependant est si longue et si large, on n’eût trouvé si belle dame. Elle portait une robe de pourpre, brochée d’or, et ses cheveux ondoyants étaient retenus par un galon d’or.

Tous, d’un commun accord, la saluèrent. Le comte Aymeric la prit dans ses bras, et ses oncles l’embrassèrent. Mais elle s’arracha à leurs caresses, et courant vers Guillaume, elle s’agenouilla devant lui et embrassa ses genoux en lui disant :