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serez tous chevaliers, et de la main du plus noble prince qui règna jamais. Si vous le servez de bon cœur, il vous récompensera en vous donnant des terres, des châteaux, des villes, de l’or, et à chacun de vous des armes et un coursier. C’est surtout à vous que je le dis, Guillaume, qui prenez une mine si dédaigneuse.

— Je consens à aller, s’écria Bernard ; car il fait bon vivre dans l’intimité d’un si noble prince. Je partirai sans retard avec mes frères.

— Certes, je ne veux pas y aller moi, dit Guillaume. Servir pendant six ans, c’est une trop longue attente. Car par Dieu qui jugera le monde, il me tarde d’aller combattre les mécréants : j’espère bien gagner assez d’or avec mon épée d’acier et j’hériterai de leurs terres. Et vous, dit-il à ses frères, vous, je vous tiens pour de pauvres sires. Vous devriez prendre des armes dès aujourd’hui et faire la guerre aux Musulmans ; mais vous êtes des lâches et votre enfance ne finira jamais. Mais par ce Dieu qui règne en Paradis, je vous jure que je ne resterai pas ici : je me rendrai dans la terre étrangère, droit en Espagne, pour attaquer les Sarrasins et gagner honneur et profit. — Je ne reviendrai pas avant d’avoir conquis tant de bien que je pourrai entretenir mille chevaliers aux roides lances et aux gonfanons de pourpre.

Là-dessus Guibert, le plus jeune des frères, lui répondit :

— Par ma foi ! frère, j’irai avec toi : même si je n’avais un cheval, j’irais à pied, sans armes, dans ma pelisse grise.

Cette réponse fit grand plaisir à Guillaume, qui lui dit :

— Par Dieu ! voilà une bonne parole. Elle vous portera bonheur, si je reste en vie. Vous pourrez toujours compter sur moi.

Alors Ernaut et Buevon et Garin se joignirent à leur cadet et promirent de l’accompagner.

Guillaume les en remercia, mais Bernard leur dit :

— Seigneurs, vous avez grand tort de vouloir aller avec